«The Symphony of Us!»? Je suis ce que je suis, parce que nous sommes
Quel drôle de nom pour un projet de recherche scientifique… Alors que chaque musicien/chanteur est important dans un orchestre symphonique, quel est le rôle des patients dans l'orchestre symphonique du cancer?
Author
Marie-Evelyne Feyerick
Et bien, lorsque l'on réfléchit au nom de ce projet, surtout si l'on est un patient, cela prend tout son sens.
Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passerait si les chœurs et les solistes vocaux étaient retirés de l'orchestre jouant le dernier mouvement de la Neuvième Symphonie de Beethoven? Cela ne serait certainement pas aussi charmant. Cela donnerait sans doute lieu à un arrangement musical qui, certes, aurait quelque chose d’innovant, mais ne ressemblerait en rien à l’œuvre voulue par le compositeur. Je ne suis pas sûre que Beethoven (même s’il était déjà complètement sourd lorsqu’il composa cette œuvre) aurait apprécié cela! Chaque instrument/voix a sa place dans un orchestre, et chacun (du violon au triangle) a un rôle important à jouer dans l’ensemble. Sans chaque musicien et choriste, l’ «Ode à la Joie» ne serait pas ce qu’elle est. Et vous conviendrez avec moi que cela serait dommage.
L’écosystème du cancer est composé d’une multitude d’acteurs: membres de la famille, amis, collègues, bénévoles et coordinateurs des maisons intégratives, associations de patients, oncologues, chirurgiens, radiothérapeutes, infirmiers coordinateurs ou soignants, psychologues, kinésithérapeutes, médecins généralistes, neurologues, médecins spécialistes prenant en charge les patients souffrant des séquelles de leur traitement, et bien sûr des chercheurs et philanthropes. Et j’en oublie certainement quelques-uns.
Oh oui 💡, j’en oublie. Où sont les patients?
Vous pensez peut-être que j’exagère. Pourtant, les patients font bel et bien partie de cet écosystème. Mais ils se retrouvent souvent dans un rôle secondaire, voire en réserve, au lieu d’être un musicien titulaire. Du moins, c’est ainsi qu’ils se sentent souvent.
Les patients sont pris en charge par des équipes médicales qualifiées et compétentes et reçoivent des traitements qu’ils ne comprennent souvent pas en raison d’un manque d’information et de connaissances scientifiques (ce qui est le cas pour la plupart d’entre nous). On leur demande de donner leur consentement éclairé pour des recherches cliniques, sans qu’ils comprennent toujours les explications scientifiques qui leur sont fournies et sans toujours se rendre compte si les recherches sont d’envergure nationale ou internationale. De plus, ils ne sont pas forcément conscients de la manière dont leurs données médicales et personnelles seront utilisées et protégées. Les patients ne reçoivent pas toujours d’explications sur l’équilibre risques/bénéfices des traitements qu’ils suivent, que ce soit dans le cadre de leur parcours classique ou de leur participation à une recherche clinique. Que feront les soignants lorsqu'ils signaleront un effet secondaire des traitements qu’ils reçoivent dans le cadre de la recherche clinique? Ils se sentent souvent abandonnés une fois le traitement terminé, et sont parfois désemparés face à la perspective de reprendre le travail. Que devraient-ils faire pour gérer le stress résultant du traumatisme d'avoir été diagnostiqué d’une maladie potentiellement mortelle et d’y avoir survécu, tandis que d’autres n’ont pas eu cette chance? Comment feraient-ils face à l'angoisse d’une récidive ou d’un nouveau cancer? Accepteraient-ils de poursuivre les traitements qui leur sauvent la vie si cela leur arrivait à nouveau? Et comment pourraient-ils affronter avec sérénité les examens de contrôle auxquels ils devront se soumettre pour le reste de leur vie? Comment pourraient-ils soutenir un proche atteint de cancer, sachant si bien à quel point les traitements peuvent être agressifs?
En bref, il y a tant de questions (et bien d’autres) qui restent souvent sans réponse. Ils sont souvent perçus uniquement comme des patients, sans tenir compte du fait qu’ils sont bien plus que cela: fils/fille, conjoint, parent, ami, etc., avec leur propre histoire de vie (et professionnelle ). Nous ne sommes certainement pas tous égaux face à la maladie.
Mais nous sommes tous d’accord pour dire que la recherche contre le cancer, ainsi que les traitements et protocoles de soins existants, bénéficient avant tout aux patients. Alors pourquoi ne pas leur donner une place pleine et entière dans l’orchestre symphonique? Qui mieux que les patients eux-mêmes savent quels obstacles ils rencontrent sur leur chemin? Qui mieux qu’eux connaissent leurs propres besoins? Répondre à leurs questions et à leurs attentes serait un véritable progrès pour les meilleures pratiques en matière de soins du cancer.
C'est de cela qu'il s'agit dans « The Symphony of Us »: identifier ce qui est important pour le patient et trouver un moyen d'intégrer les valeurs du patient dans l'écosystème du cancer.
Grâce à cette initiative, nous vaincrons plus que jamais le cancer ensemble. Et la vie sera d’autant plus douce et harmonieuse. Je suis honorée de représenter les patients en tant que Présidente du Comité de Pilotage de ce projet porteur de sens.
Une véritable « Symphony of Us »... et, en tant que patiente, je suis reconnaissante pour cela.
Biographie de l’auteure
Épouse, mère, grand-mère, mais aussi auteure, assistante de direction, membre du conseil d’administration d’un fonds de recherche contre le cancer, présidente du Comité de Pilotage de ce projet initié par la Fondation Roi Baudouin, …, et patiente atteinte de cancer qui a survécu à une bataille.